UNIVERSAUX DE PSYCHANALYSE
dans le Traitement des Patients Psychotiques et Borderline
Dans cet ouvrage où la préoccupation clinique et la réflexion sont étroitement entrelacées, Henri Rey nous fait part de son immense expérience de soignant auprès des patients psychotiques et borderline.
"Jusqu'à présent, le travail d'Henri Rey ne s'est pas fait connaître autant qu'il l'aurait dû et il faut espérer que ce livre permettra à un plus large public de découvrir certaines idées parmi les plus créatives et originales qui puissent se trouver à l'interface de la psychanalyse, de la psychiatrie et des autres disciplines... Le lecteur s'enrichira beaucoup à la lecture de ce livre... Rey, avec son inimitable appétit français pour les bonnes choses, montre comment ses patients sont empêchés de prendre part à la vie par leurs angoisses, leur besoin de revanche, et leur retrait dans le négativisme." Dr John Steiner
"Ce livre... s'appuie sur les deux piliers qui permettent, à mon avis, à la psychanalyse de rester vivante, source continuelle de recherche et de développement : l'appui sur la clinique et le souci de confronter les concepts psychanalytiques aux découvertes issues de champs de connaissances tout à fait extérieurs à la psychanalyse... La lecture des travaux d'Henri Rey ne peut être qu'une source d'enrichissement, tout particulièrement pour ceux qui s'intéressent au développement précoce de la psyché ou aux structures psychopathologiques qui en sont la source d'inférence." Dr Alain Braconnier
Henri Rey (1912 janvier 2000) naquit à l'Ile Maurice. Après des études d'ingénieur agronome, il décida d'étudier la médecine puis la psychiatrie à Londres. Achevant sa formation de psychanalyste sous l'égide d'Herbert Rosenfeld, il travailla alors pendant 32 années au Maudsley Hospital auprès de patients psychotiques et borderline.
Il quittera le service de santé à la limite d'âge pour embrasser une nouvelle carrière, celle d'aller enseigner à travers le monde, au Canada, en Australie, en Afrique du Sud, avant de se retirer définitivement à l'Ile de Ré.
384 pages 16 x 24 cm 27,14 Euros
ISBN 2-912186-12-9
Sous la direction de : Jeanne Magagna Préface : John Steiner
Traduction : Elisabeth Baranger Préface de l'édition française : Alain Braconnier
Illustration de couverture : "Est-ce une femme ? Non... Un foetus ? Non... Une enfant, alors ? Faux encore... Alors, qu'est-ce que c'est ? Eh bien, c'est une longue histoire..." [chap.4]
Dr Alain Braconnier
Lors d'une série de conférences que j'avais eu l'honneur de faire à Montréal, invité par le Professeur Amyot de l'Institut Albert Prévost, nous en étions venus à parler par hasard de nos lieux de vacances respectifs. Lui parlant alors de mon village préféré où je passe régulièrement mes vacances, il me dit : "Mais vous ne connaissez pas Henri Rey ?" Jean Amyot m'en parla avec suffisamment de conviction pour que lors des vacances suivantes je prenne mon téléphone, appelle Henri Rey qui me proposa immédiatement de venir prendre le thé. Je rencontrai un homme alors déjà âgé mais dont la vitalité, la chaleur de l'accueil, l'enthousiasme pour me parler spontanément de sa vie, de ses intérêts et de ce qu'il appelait modestement ses quelques idées, m'allèrent droit au coeur. Je découvris donc l'homme avant de découvrir l'oeuvre. Cet homme, d'origine mauricienne, m'expliqua qu'il fit la plus grande partie de sa carrière de psychanalyste au Maudsley Hospital de Londres. Il me parla longuement de son contact étroit avec l'école kleinienne, son travail de superviseur au Maudsley auprès des jeunes psychiatres et ses séjours au Canada, en Australie, en Afrique du Sud où l'originalité de sa pensée l'amenait à faire de multiples conférences. Tout ceci m'était dit sans fausse modestie mais sans emphase avec une spontanéité et un désir évident de susciter chez l'interlocuteur un intérêt et un échange. Je le rencontrai ensuite à plusieurs reprises et pus enfin découvrir son travail théorique et en particulier ce livre écrit initialement en anglais, qu'il souhaitait voir publier en français, publication dont l'intérêt me paraissait évident. Il faut ici remercier tout particulièrement les Editions du Hublot qui permettent ainsi aux lecteurs français de connaître au moins une partie du travail d'Henri Rey.
Chacun trouvera dans la préface de John Steiner une description plus détaillée d'Henri Rey, de l'homme et de ses axes d'intérêt. Je voudrais pour ma part souligner les points qui m'ont peut-être le plus frappé en tant que psychanalyste français. Soulignons d'emblée qu'Henri Rey, et ce livre en est l'expression, s'appuie, pour faire travailler les concepts psychanalytiques, ses propres associations et ses hypothèses théoriques, sur les deux piliers qui permettent, à mon avis, à la psychanalyse de rester vivante, source continuelle de recherche et de développement : l'appui sur la clinique et le souci de confronter les concepts psychanalytiques aux découvertes issues de champs de connaissances tout à fait extérieurs à la psychanalyse. Ne retrouvons-nous pas là typiquement la démarche freudienne ?
Commençons par la clinique. Ce livre nous permet de découvrir combien la préoccupation clinique est présente et la principale source d'inspiration d'Henri Rey : "L'essentiel de ce livre réside dans des préoccupations cliniques", écrit-il. Henri Rey nous propose des comptes rendus textuels de séances pour en faire ensuite l'interprétation, nous laissant libres de nos propres associations et de nos propres réflexions. La psychose maniaco-dépressive, l'anorexie mentale, l'identité féminine, la schizophrénie, la pensée psychotique et bien sûr les états limites sont ainsi successivement abordés par une clinique psychanalytique originale à l'auteur, sous-tendue néanmoins constamment par le fil rouge d'une recherche sur le statut de structure objectale pourvu de domaines d'échange internes et externes. Incontestablement Henri Rey aborde la question de l'objet sous une forme originale. Il va particulièrement s'intéresser aux structures psychopathologiques dans lesquelles la question des limites de l'objet entre l'externe et l'interne, entre le primaire et le secondaire, entre la présence et l'absence, entre le partiel et le total, sont floues, incertaines ou instables.
Cette clinique s'appuie sur l'analyse individuelle mais aussi sur l'analyse des groupes. C'est bien évidemment à propos des états limites que cette question de la différenciation de l'objet et de la quête de l'objet adéquat se posent le plus explicitement. Henri Rey donne ainsi une définition du terme border-line : une absence ou un défaut de communication entre les différents stades d'objet partiel, les positions schizo-paranoïdes et dépressives qui continuent à fonctionner pour une part séparément et sont incapables d'intégration. "C'est l'interaction entre ces parties et leur désintégration que je me suis efforcé de décrire", écrit l'auteur. Henri Rey fait ainsi de la position dépressive un méta système par rapport à la position schizo-paranoïde et s'intéresse alors tout naturellement à la réparation des objets psychiques internes chez les patients pour lesquels les attaques contre ces objets semblent perpétuellement en jeu. Il nous montre ainsi comment certains sujets ne peuvent trouver la sécurité ni avec les objets, ni loin d'eux : "C'est l'un des facteurs qui les poussent à préférer une situation à la frontière entre l'intérieur et l'extérieur". Henri Rey aborde ainsi la question de la fonction symbolique et de sa défaillance chez ses patients qui sont par là même en difficulté pour s'engager dans cette réparation des objets internes lorsque ces derniers sont attaqués et qui ont alors recours à des facteurs qui encouragent la toute-puissance ou le virage vers une pseudo réparation maniaque.
Son intérêt pour les premiers temps du développement de la psyché amène notre psychanalyste à faire des propositions tout à fait originales. Il nous indique par exemple que pour faciliter le mouvement de la mère vers le père, le sein dans le fantasme est projeté dans le pénis de sorte qu'un objet source de la mère se trouve transféré vers le père. Il écrit cette phrase au combien source de réflexion et d'associations : "Le pénis devient ainsi le contenant et le sein le contenu : autrement dit, le pénis devient le premier symbole primitif. De toute évidence, le pénis acquiert à ce moment certaines des caractéristiques du sein de la mère."
Toutes ces réflexions s'appuient sur une clinique qu'il essaie de nous rendre la plus claire possible mais en même temps sans fard grâce aux nombreuses illustrations que les lecteurs de ce livre pourront découvrir.
L'autre source de réflexion d'Henri Rey, qui s'articule bien évidemment avec la précédente, est plus théorique mais en définitive dans le même état d'esprit. Ce sont à nouveau les zones frontières qui intéressent Henri Rey, mais ici les zones frontières entre la psychanalyse d'un côté et les autres champs de connaissances qu'il a successivement parcourus, étudiés, dans lesquels il donne incontestablement le sentiment qu'il s'est ressourcé, que sont la médecine, la physiologie, la linguistique, les sciences cognitives, les mathématiques et la littérature. Son savoir et sa recherche n'en sont pour autant ni encyclopédiques, ni superficiels car il est mené par une idée forte de recherche : en quoi dans ces domaines spécifiques mais hétérogènes à la psychanalyse cette dernière peut trouver des appuis pour faire travailler ses concepts. La question du fantasme est ainsi abordée comme une activité psychique précoce, archaïque de l'esprit, qui évolue progressivement à partir de schèmes sensori-moteurs vers des représentations plus élaborées. On perçoit ici tout ce qu'a pu tirer Henri Rey des travaux de Piaget pour aborder en tant que psychanalyste cette question toujours renouvelée de l'émergence du fantasme. De même au risque de se situer dans le courant biologisant de la pulsion que la psychanalyse française, et en particulier Jean Laplanche ou Daniel Widlöcher, ont remarquablement mis en question, Henri Rey réexamine le concept de pulsion en en faisant "une unité constituée d'un substrat biochimique, d'un réseau neuronal et d'une structure psychique en quête d'un objet adéquat". Toujours dans ces zones frontières entre la psychanalyse et les autres champs de connaissances, Henri Rey s'intéresse au courant plus contemporain, en particulier aux travaux sur la théorie du chaos et à la différence entre le chaos chaotique et le chaos déterministe ainsi qu'au fameux effet papillon, "dépendance sensible aux conditions initiales" l'amenant à proposer l'idée que le bébé humain ne perd jamais cette "dépendance sensible aux conditions initiales", point de vue qui peut sûrement être une source de réflexion pour le courant actuel s'intéressant tout particulièrement aux très jeunes enfants.
Il est ainsi étonnant de voir combien ce psychanalyste et plus particulièrement ses travaux ont été ignorés du public français. Il faut reconnaître que lors des discussions que j'ai eues avec lui, il connaissait bien les travaux français mais il y fait extrêmement rarement référence dans ses propres travaux. Il s'appuie bien évidemment beaucoup plus sur les travaux issus du courant psychanalytique londonien.
Il n'empêche qu'à un moment où la psychanalyse cherche à juste titre à faire 'uvre de créativité, ou tout au moins à avancer dans la recherche sur les invariants, leur articulation et leur mouvement dans la psyché humaine, la lecture des travaux d'Henri Rey ne peut être qu'une source d'enrichissement, tout particulièrement pour ceux qui s'intéressent au développement précoce de la psyché ou aux structures psychopathologiques qui en sont les sources d'inférence.
Alain Braconnier Paris, février 2000