UN ÉTRANGE ITINÉRAIRE PSYCHANALYTIQUE : OEDIPE ROI
Un Étrange Itinéraire Psychanalytique : Oedipe Roi est un livre qui s'ordonne en trois étapes reprenant les trois directions possibles de son étude. Il s'agit d'abord de la direction mythologique : Cléopâtre Athanassiou-Popesco analyse les thèses défendues par les mythologues sur la pièce et sur la légende. Il s'agit ensuite de la direction psychanalytique : sont reprises les grandes thèses psychanalytiques sur ce sujet. Il s'agit enfin d'une étude à direction psychanalytique mais dont la précision se veut littéraire : là, l'Oedipe Roi de Sophocle fait l'objet d'une analyse pas à pas de son développement, tandis que l'auteur conserve pour ce faire la structure d'une thèse personnelle sur la pièce où est mise en évidence l'existence de composantes narcissiques qui sont généralement passées sous silence.
Psychanalyste d'enfants et d'adultes, membre de la Société Psychanalytique de Paris, Cléopâtre Athanassiou-Popesco est l'auteur de nombreux ouvrages et articles. Elle a notamment publié :
Ulysse, une odyssée psychanalytique (Césura, 1986), L'enfant et la crèche (avec Anne Jouvet, Césura, 1987), Aux sources de la vie psychique (Césura, 1989), Introduction à l'étude du surmoi (Césura, 1995), Le surmoi (PUF, 1995), Penser le mythe (Delachaux et Niestlé, 1996), La défense maniaque (PUF, 1996), Bion et la naissance de l'Espace Psychique (Popesco, 1997), Le concept de Lien en Psychanalyse (PUF, 1998).
256 pages 16 x 24 cm 22,87 Euros
Illustration de couverture à partir du Vase de Gela
Introduction
Ière Partie – Du Poète au Mythologue
IIème Partie – Le Point de Vue Psychanalytique
IIIème Partie – Oedipe Roi
Conclusion
BibliographieCléopâtre Athanassiou-Popesco
L'écriture de ce livre constitue à la fois un retour et une avancée. Elle est un retour sur les origines de la pensée psychanalytique puisque Freud a puisé dans l'Oedipe Roi de Sophocle le contenu d'une fiction qui est entrée en résonance avec les intuitions de son auto-analyse et l'expression des fantasmes de ses patients. Il a découvert dans cette conjoncture le noyau qui structure tout le développement psychique, le complexe d'Oedipe. Freud n'a cependant pas calqué son "Oedipe" sur celui de la pièce car ce dernier a mis en acte pour se le remémorer ce que nous pourrions désigner à présent comme une moitié la moitié dominante des désirs oedipiens : Oedipe a tué son père puis épousé sa mère. La clinique nous met en présence d'une plus grande complexité associée à l'existence de l'autre moitié qui double toujours ce versant dit "positif" : en même temps qu'il veut épouser sa mère et se débarrasser de son père, le petit garçon, candidat aux aléas et aux difficultés du développement psycho-sexuel, aime son père et veut éliminer sa mère qui se place en rivale. Naît alors un conflit entre des sentiments contradictoire dirigés vers le même objet et qui se tient au coeur de toute résolution de la crise oedipienne. Ce conflit n'est pas au premier plan dans la pièce.
L'ensemble des études psychanalytiques qui ont pris corps depuis l'invention de la psychanalyse nous a permis de juger de plus en plus du caractère non seulement incontournable du conflit oedipien mais aussi précieux, à des niveaux de l'organisation psychique qui ne cessent de se multiplier. Il faut un certain nombre de conditions pour que le conflit oedipien puisse prendre dans la psyché une forme qui se maintient et qui offre dans sa durée des possibilités de résolution partielle. Ces conditions font l'objet d'études psychanalytiques de plus en plus poussées. Ma thèse développera ce qui s'oppose à toute résolution de la crise oedipienne, et je trouverai les racines de cette obstruction dans l'organisation narcissique de la personnalité. Le duel entre la tentative de dépassement de la crise oedipienne et l'organisation narcissique se prolonge la vie durant, car si le narcissisme naît avec la vie elle-même, il ne meurt aussi qu'avec elle ; et si la formation d'une constellation oedipienne ne s'affirme que sur les soubassements que j'évoque ici, elle n'est jamais "détruite" comme Freud aimait à le croire. Elle met ses acquis en avant pour demeurer elle-même toujours en latence jusqu'à son prochain surgissement. Ma thèse qui situe le personnage d'Oedipe dans le temps, fera de lui un être aux prises avec une des ultimes éditions de la crise oedipienne, en proie à un double conflit : celui qui est au coeur du Complexe lui-même et celui qui l'oppose à son organisation narcissique. Ma lecture de la pièce, qui part essentiellement d'un point de vue intra-psychique, se proposera de mettre en évidence l'échec tragique de cette dernière lutte.
L'écriture de ce livre, si donc elle constitue un retour aux fondements de la psychanalyse, tente en même temps de s'appuyer sur les acquis de son développement, pour laisser la pièce de Sophocle nous parler également d'un problème aussi universel que celui de la crise oedipienne : celui de l'organisation narcissique qui en interdit la résolution.
J'ai désiré faire précéder l'analyse personnelle que je fais de la pièce de l'étude critique des textes que nous ont légué les mythologues d'abord, les psychanalystes ensuite. Vis-à-vis de ceux-ci, j'ai l'espoir que l'ensemble des références que j'évoque et que je rassemble selon quelques grandes directions d'analyse, permettra au lecteur de juger en quoi je m'approche et en quoi je me distingue de ces derniers. Vis-à-vis des mythologues, je crois que mon écrit aura permis de mettre trois points en évidence. Il s'agit d'abord de l'hommage que je rends au savoir qu'ils possèdent en experts sur les données mythologiques. Eux seuls sont capables de juger de la formation d'un mythe à partir de ses différentes composantes issues de temps et d'espaces différents. Sur ce point le psychanalyste n'a rien à redire. Il ne peut que se laisser nourrir par la richesse de la reconstitution mythologique.
Il s'agit ensuite de l'interprétation du mythe lui-même, laquelle, comme toute interprétation, est un pont lancé entre un fait, ou l'expression d'un fait inconnu, et l'organisation psychique ou conceptuelle qui l'appréhende. Là le psychanalyste a son mot à dire puisqu'il prétend que le mythe est l'expression d'un fait humain et qu'il a en son esprit l'outil qu'il a forgé dans la clinique de l'analyse des faits humains, inconnus à la conscience.
Il s'agit enfin du dernier point portant sur l'accusation de réductionnisme dont les mythologues et les analystes s'accusent mutuellement, l'analyste prétendant que le mythologue n'utilise que son érudition pour analyser les mythes, donnant à son étude une qualité de surface qui, si elle s'approfondit, ne peut aller au-delà de l'analyse psychologique, car le mythologue n'est pas à même de se servir des concepts que fournit au psychanalyste l'étude associée à l'expérience issue du contact avec l'inconscient de l'autre et par conséquent de lui-même. Le mythologue à son tour critique dans le psychanalyste celui qui oublie la complexité de toute analyse et qui s'empare d'un concept tiré de l'étude de l'inconscient pour l'appliquer à un domaine qui, de par sa complexité même, possède de vastes pans qui lui sont hétérogènes.
J'espère que le travail que j'entreprends ici permettra d'adopter une perspective dans laquelle chacun des deux partis saura non seulement rendre hommage à l'autre et le reconnaître dans sa différence, mais saura également reconnaître l'autre à partir d'une réflexion portant sur ce que révèle d'inconnu la complexité qu'il découvre en son propre domaine. La spécificité de chacun s'ouvre ainsi sur la capacité de reconnaître que la vérité intuitive peut venir d'ailleurs.