Wilfred R. BION : MÉMOIRES DE GUERRE Juin 1917 Janvier 1919
4ème de couverture
Les Mémoires de Guerre de Wilfred Bion sont peut-être l'oeuvre autobiographique la plus exceptionnelle jamais écrite par un psychanalyste.
La première partie du livre est documentaire. Il s'agit du journal que Bion, jeune officier britannique, écrivit entre juin 1917 et janvier 1919 ; il y consigna avec précision et détails son engagement au sein du 5ème bataillon de blindés dans les batailles d'Ypres, Cambrai, Amiens, Saint-Quentin, Canal du Nord... Les photographies et les croquis qui illustraient ce journal sont reproduites ici.
Suivent deux essais que Bion écrivit un demi siècle plus tard, textes de réflexion sur ses expériences du temps de guerre. Ces méditations, empreintes de sa formation psychanalytique, semblent suggérer combien son approche du travail put être influencée par son expérience de guerre.
Réunis, le journal et les essais constituent un remarquable reportage sur la guerre et ses effets.
Wilfred Ruprecht Bion (1897-1979) est né en Inde dans la province du Pendjab. Il revient en Angleterre à l'âge de huit ans pour sa scolarité. Pendant la première guerre mondiale, il sert dans les chars comme sous-lieutenant, lieutenant puis capitaine, recevant pour ses actions la D.S.O. (Distinguished Service Order) et la Légion d'Honneur. Après la guerre, il étudie l'histoire au Queen's College (Oxford), puis il fait sa médecine à l'University College (Londres). Obtenant en 1932 un poste de médecin assistant à la Tavistock Clinic, il entreprend alors sa formation de psychanalyste avec notamment John Rickman et plus tard Melanie Klein.
320 pages 16 x 24 cm 25,15 Euros
ISBN 2-912186-10-2
Sous la direction de : Francesca Bion
Traduction : Marie-Christine Réguis Préface de l'édition française : Hyatt A. Williams
Illustration de couverture : Bodeslaw Chobry Dessin au crayon (1936) de Caziel (Kazimierz Jozef Zielenkiewicz) Whitford Fine Art Gallery, Londres
Préface à l'édition française
Hyatt A. Williams *
Bion entreprend le récit de ses expériences lors de la Première Guerre Mondiale dans une tentative, me semble-t-il, de les digérer émotionnellement et de préserver sinon de renforcer sa capacité à maîtriser de si pénibles évènements. Pour les combattants, le constant danger de mort ou de blessures, la vision de leurs camarades soldats et des Allemands démembrés par les armes de la guerre, le flot d'obus déversés sur les troupes et la durée de toutes ces agressions, constituent une attaque répétée de leur fonctionnement physique et mental particulièrement éprouvante
Il est clair que Bion fait preuve d'une grande capacité à réfléchir à ses expériences et à se les remémorer à la lumière d'évènements précédents et ultérieurs. Son état d'esprit demeure ainsi dynamique et non statique. On peut déjà discerner le Bion de la maturité chez le jeune Wilfred Bion, et percevoir également celui qui, après avoir reçu les distinctions d'un officier de première classe, s'embarquera pour l'odyssée personnelle qui l'amènera à devenir un psychanalyste de renom tant dans son travail clinique avec les groupes et les patients psychotiques que dans les formulations théoriques de ses écrits et de l'enseignement qu'il dispense aux étudiants et praticiens de la psychanalyse.
La richesse de détails dans la partie narrative des Mémoires est d'autant plus impressionnante que Bion avait perdu son journal et qu'il écrit donc entièrement de mémoire. Ce sont ces détails qui évoquent de façon si frappante l'épopée de ces deux années passées dans une région particulièrement sensible de la guerre et qui permettent de suivre le drame dans l'horreur, la terreur, le sang et les triomphes qui le ponctuent. Bion fait remarquer combien les nations et les combattants semblent avoir peu appris de ces terribles expériences.
Il nous donne ensuite (p.209) sous forme de conversation entre le Bion d'alors et, quelque cinquante ans plus tard, le psychanalyste qu'il est devenu, le point de vue de la maturité sur l'attitude de ses jeunes années durant la période où il était pris dans la guerre et influencé par la perspective de l'époque. Ceci est l'équivalent autobiographique de son ouvrage de psychanalyse Réflexion Faite et révèle clairement celles de ses opinions qui demeurent les mêmes au bout de cinquante ans d'expérience et celles qui ont évolué.
Puis l'on touche à la finale de cette guerre sauvage et d'usure avec la partie intitulée 'Amiens' qu'introduit Francesca, la veuve de Bion ; elle nous confie que Bion était visiblement ému quand, quarante ans plus tard, ils traversèrent les anciens champs de bataille de la Première Guerre Mondiale. Ceci me fait penser au récit que fait Enée à Dido de la chute de Troie et aux larmes que leur arrachent ces souvenirs.
Arrive alors 'Amiens', cette longue section qui évoque les détails de la percée des blindés et la fin de la guerre. Ce qui prédomine, tout comme pour Enée, sont les scènes pénibles que Bion avait contemplées et auxquelles il avait participé. Il remarque très vite les endroits où la terre n'est pas entièrement cicatrisée et révèle encore de nombreux trous d'obus.
C'est dans cette section que Bion se remémore avec force détails la situation sur le terrain, faite de bruit, de boue, de corps morts et brisés l'immédiat et navrant héritage de la destruction humaine. Sa capacité d'évocation est telle que l'on croit s'y trouver. On peut imaginer l'apaisement apporté par la présence aimante de sa femme à ses côtés au cours de ce retour sur la scène de son héroïsme tout imprégné qu'il le fut de tragédie et de triomphe.
Les lecteurs de cet ouvrage seront ainsi amenés à vivre une expérience profondément marquante dont ils émergeront le coeur lourd mais en possession d'une plus grande sagesse.
Hyatt A. Williams * Londres, septembre 1999
* Ancien directeur de la London Clinic of Psycho-Analysis et du département adolescents de la Tavistock Clinic, le Dr Hyatt A. Williams a bien voulu préfacer l'édition française des Mémoires de guerre, en hommage à Wilfred R. Bion l'homme et son oeuvre. Tout comme Bion au cours de la Grande Guerre, Hyatt A. Williams jeune médecin militaire au sein d'une unité de soins et de tri des blessés , va connaître au cours de la Seconde Guerre Mondiale, alors qu'il servait dans le 26e Indian Regiment, l'âpreté et la sauvagerie des combats sur le front birman, en particulier ceux liés à la reconquête de Rangoon.
Hyatt A. Williams a notamment publié Cruelty, Violence and Murder Understanding the Criminal Mind chez Jason Aronson, New York (1998)